J'arrive le 27 Aout à Nairobi (Kenya) et pars directement en Tanzanie pour préparer l'objectif principal de cette étape: l'ascension du Kilimanjaro.
En théorie, il existe une ligne de bus entre l'aéroport de Nairobi et la ville d'Arusha en Tanzanie. En pratique, il y a une multitude de minibus gérés séparément et avec des tarifs différents. Dans la confusion, on compare nos billets avec une anglaise et un américain ayant pris un billet sur le même horaire pour Arusha. L'un a payé 35$, l'autre 30$ et moi 25$. Je pense m'en être bien tiré jusqu'à ce que j'apprenne que le tarif que paient les africains est l'équivalent de 18$...bref en tant que touriste, on s'est tous fait avoir.
Le trajet est long mais en même temps très marrant (environ 6 heures, avec passage de douane, portion de route défoncée). Un troupeau de vache traverse l'autoroute, un policier kenyan est posté au milieu de nul part, sans voiture... On rigole bien de ces situations et on admire ses plaines immenses et poussiéreuses. Africa te voilà.
On est très attendu à la station de bus d'Arusha, surtout quand on est un 'Umzungo'. (Les 'Umzungos' se sont les blancs, ça n'a pas de connotation négative en langue Swahilie et on est content de le savoir parce que ça devient presque un deuxième prénom). A la sortie du bus, taxis, visites touristiques, kilimanjaro, sont proposés avec insistance ou astuce.
On me transporte à l'auberge de jeunesse en échange du fait que j'aille rendre visite à l'agence qui organise des expéditions au Kilimanjaro. Je suis impressionné par ce sens commercial et ne suis pas au bout de mes surprises. Sans perdre de temps, le manager de l'agence me fait une offre pour le kili et me propose des réductions sur les safaris; Mais le plus étonnant c'est qu'il mette à ma disposition son chauffeur 'Joshua' pour aller comparer son offre avec les agences concurrentes ! Après avoir comparé une dizaine d'agences, je décide de m'engager sereinement avec l'agence initiale pour le kili et le safari... comme quoi la stratégie commerciale a bien fonctionné.
Me voilà donc parti dès le lendemain pour un safari de 2 jours dans les parcs de Tarangire et Ngorongoro. Notre guide nous conduit à travers ces décors sublimes pour voir au plus près les 'bigs five': Lion, Girafe, Buffle, Rhino, et Eléphants.
video buffle
Ca fait vraiment quelquechose de voir ces animaux dans leur milieu naturel; allant migrer vers de l'eau de la rivière, jouer, chasser, dévorer leur proie ou choisir les baies de tel arbre. Ces instants paraissent longs, on ne se lasse pas de contempler ces animaux adaptés à la perfection. Le fait de s'inviter dans ce monde encore sauvage m'a vraiment fait me sentir proche de la nature, et partie de ce monde.
Notre petit groupe regagne la ville et se sépare après avoir partagé des moments uniques.
Je retrouve Joshua qui m'emmène manger dans un 'resto' local. Quand je vois la cuisine, je me dis que c'est pas gagné : la cuisinière soulève un couvercle, quelques mouches s'envolent et on choisit nos morceaux de viande. Quand le plat arrive à notre table, je cherche les couverts mais il n'y en a pas; Ici on mange avec les doigts! C'est bon, et le fait de toucher sa nourriture et même de malaxer cette espèce de pâte est très agréable. (...et même pas malade!)
Il y a une salle de jeux à côté du resto et on décide de se faire une partie de billard. Là se trouve une dizaine de gamins qui jouaient aux cartes mais qui préfèrent du coup s'intéresser à la partie de billard. C'est pas souvent qu'un 'umzungo' vient jouer ici. Tous viennent dire les quelques mots d'anglais qu'ils connaissent et chercher la connivence. Ils m'apprennent quelques expressions en swahilie pendant le billard... vraiment bonne ambiance.
La partie est pleine de rebondissements (aussi dûs à la table défoncée), et on se prend bien au jeu. Joshua l'emporte finalement deux partie à une sous l'admiration des gamins. C'est bon de voir comme tous vivent le moment présent à fond.
Je repars à mon hotel avec le sourire, après ce moment authentique partagé avec les locaux.
... et puis il y a eu la rencontre avec les Massaï: ce peuple incroyable si différent des occidentaux par ses traditions, ses valeurs, son mode de vie. Les Massaïs sont avant tout des nomades qui passent la plupart de leur temps à parcourir de longue distance dans les plaines pour y faire paître leur troupeau. Même leur morphologie élancée est adaptée à ce mode de vie. C'est impressionnant. Leur regard a quelque chose de pur, comme si toute leur personne était concentrée à vous regarder. C'est très troublant. Par respect je n'ai pas photographié ces visages.
Le marché est une des rares occasions pour eux de se regrouper en nombre pour y échanger, vendre, acheter des marchandises. Pour un Massaï, la richesse ce n'est pas d'avoir une belle maison confortable, mais c'est d'avoir beaucoup de vaches. Et tout est basé sur cette valeur de base, y compris les mariages : la famille de la mariée peut recevoir plusieurs dizaines de vaches de la part de l'homme qui montre sa 'gratitude' envers la famille. Joshua raconte toutes sortes d'anecdotes sur ce peuple nomade et leurs coutumes. Certains Massaï pourtant capables de se repérer dans des plaines immenses sont totalement perdus quand il vont à la ville d'Arusha. Il ont même besoin d'aide pour traverser la route car ils ne savent pas faire...
Ca c'est mon chameau: alors qu'il était debout, je me suis approché de lui tout doucement pour gagner sa confiance. Alors que je n'étais plus qu'à quelques pas de lui, il m'a regardé et s'est agenouillé... ça m'a fait pensé au film Avatar: tu sais comme si la bête m'avait choisi. Enfin bon, après il m'a fait comprendre qu'on n'était pas non plus devenu des potes donc j'ai pas tenté de monter dessus, mais je tenais quand même à vous montrer mon chameau !
Cette journée passée à la rencontre des Massaï était vraiment super. Pleine de rencontres, des instants simples et tellement forts ! Merci.
Le lendemain me voilà parti pour le Kilimanjaro: 6 jours de marche par la voie 'Machame' appelée aussi 'Whisky route'. A la différence de la voie 'Marango' ou 'Coca-cola route', il n'y a pas de refuges pour la nuit, c'est donc plus de logistique à prévoir pour passer les 5 nuits en tente. Un peu plus de challenge donc pour arriver au sommet et une grande variété de paysage: de la forêt tropicale au glacier, en passant par des paysages volcaniques lunaires.
Je rejoins Machame gate, l'entrée du parc national du Kilimanjaro où je fais connaissance avec mon équipe: 'Stanley' le guide, 'Kitchua' le cuisinier, 'Jona' et 'Steveri' les deux porteurs. Ca me fais bizarre de me dire que j'emploie 4 personnes pendant 6 jours pour faire une activité de loisir, mais bon c'est la seule façon de le faire, et ça donne un travail honorable et sans intermédiaires à ces locaux. On se retrouve donc à 5 groupes (5 touristes et leurs 4 accompagnants) à partir le même jour sous une pluie qui se fait de plus en plus drue.
Je marche avec Alex un hollandais qui vit à Londres et on sympathise très vite. Après avoir passé l'excitation du départ, on se dit que si cette pluie dure plusieurs jours, ça va pas être une partie de plaisir...du coup on chante en marchant : balades irlandaises versus chants savoyards, ça envoie !
Ca fait plus de quatre heures qu'on marche dans cette forêt, au milieu de ces arbres immenses et de cette végétation dense et tropicale. Il y a ce brouillard humide qui étouffe les bruits et les couleurs et qui donne une ambiance mystérieuse. On se croirait dans une scène du 'seigneur des anneaux' et je me met à penser que ces énormes arbres entouré de lianes nous regardent. (Déjà la folie des montagnes?).
Au bout de cinq heures, soulagement: la pluie cesse en même temps que nous sortons de la forêt. C'est fou comme la transition a été rapide. On se trouve maintenant au milieu d'arbustes couverts de filaments blanchâtres. Quelques fleurs d'un rouge vif se détachent de ce décor aux tons pastels. Et nous passons au dessus de la couche de nuage avant l'arrivée à MACHAME CAMP à 3000m .
La première soirée est l'occasion de prendre ses marque avec l'organisation et la matériel. Les repas sont servis dans la tente et je suis assez impressionné de pouvoir mangé un diner varié et copieux avec des légumes frais et de viande. J'invite Alex à venir prendre le dessert et le thé dans ma tente (et oui sinon on sent un peu con tout seul dans sa tente...). Ensuite mon guide vient faire le topo du lendemain et m'averti que la nuit sera 'fraiche'. Et oui en effet, je suis obligé d'enfiler un pull dans la nuit, le gros duvet ne suffit pas.
Le lendemain est une petite journée (ce n'est pas plus mal pour commencer) qui nous fait arriver à SHIRA CAMP à 3800m. On a le droit à une belle mer de nuage au dessus de la forêt. Le moral est bon, le physique aussi et on rigole bien avec Alex. On aime s'imaginer qu'il y a Jacuzzi, Hammams et autres Saunas qui nous attendent à 'Shira camp'.... Bien sur, après avoir fait quelques longueurs dans la piscine olympique chauffée, on regagne chacun notre tente pour une nuit encore plus fraiche.
Le troisième jour est un peu plus 'challenging', le but de cette journée est de rejoindre BARRANCO à 4000m en passant par 'lava tower' à 4630m. C'est une journée essentielle pour l'acclimatation et permet d'évaluer son niveau de forme et sa réaction à l'altitude. Encore une fois je suis surpris par la variation des paysages. Nous sommes dans un décor lunaires fait de pierres volcaniques.
Partout on entend "polé polé", gentil conseil des Tanzaniens aux trekkeurs qui veut dire "doucement doucement" ! Eh oui, il vaut mieux monter lentement mais sûrement. Le moral de notre groupe est bon. On se lance même avec Alex et son guide dans un défi stupide qui consiste à faire des pompes à Lava Tower...
Sur le chemin de la descente vers BARRANCO, on trouve des sénessons géants qui sont des plantes aussi étranges qu'imposantes qui se sont adaptées aux conditions de haute altitude. (Là, ça me fait penser à Tintin et l'île mystérieuse...)
Les effets de l'altitude se font sentir ce jour et il faut gérer son effort au long des 7 heures et demi de marche. Le fait de beaucoup boire évite les maux de tête et permet une meilleure acclimatation, c'est donc essentiel de s'hydrater régulièrement ,entre 2,5 et 3 litres par étapes.
On arrive au camp de BARRANCO et je me couche rapidement après le diner. Je me réveille au milieu de la nuit, n'arrive pas à me rendormir et décide de jeter un coup d'oeil dehors: Là c'est une nuit étoilée comme j'en ai jamais vu qui s'offre à moi. La clarté du ciel permet de voir un nombre d'étoile incroyable. Je décide de sortir de la tente, m'éloigne un peu du camp et éteins ma frontale. L'air glacé et sec qui monte dans la vallée me sors de ma torpeur. Au dessus, éclairé par la lune, se trouve le sommet et son glacier qui semble n'être plus qu'à une mesure dans ce paysage aux dimensions gigantesques.
Le quatrième jour, le 'breakfast wall' nous attend d'entrée. Une phase d'une heure et demi, où on range les bâtons au profit des gants, pour s'accrocher dans les phases raides. Les porteurs, eux, continue leur numéro d'équilibriste en gardant leur charge sur la tête même dans les passages les plus escarpés. On redescend dans la vallée de Karanga qui est le dernier point d'eau avant le sommet. C'est là que je quitte Alex qui a décidé de passer un jour de plus d'acclimatation pour lui donner plus de chance de réussir l'ascension finale. Je continu avec mon guide Stanley jusqu'au dernier camp BARRAFU à 4600m.
Nous arrivons dans l'après-midi sous un soleil de plomb. La météo devrait être bonne pour la nuit prochaine, là où ce jouera l'ascension sommitale. Un court repos nous attend car le départ est prévu à minuit pour une arrivé au sommet prévue entre 6 et 7 heures du matin avec le levé du soleil, et une longue descente jusqu'à MWEKA CAMP. 1300m de dénivelé positif et 3000m de négatif: une grosse journée.
A 23h Quichua me réveille et m'apporte du thé et quelques biscuits... ça change des habituels petit déjeuners solides. C'est frustrant ! Mais c'est pour éviter les vomissements liés à l'altitude. Je prends quand même quelques vivre dans mon sac, et du thé chaud!
On pars du camp à minuit dix, et on aperçoit les frontales des groupes déjà en train de gravir la première pente. La nuit, l'air froid et sec et cet espace immense qu'on sent plus qu'on ne le voit. L'ambiance est surréaliste. Je suis le halo de ma frontale, guidé par Stanley, et on installe notre rythme. Je me sens bien. On passe 3 cordées dès les contreforts du Kibo. La pente s'accentue dans l'ascension vers Stella point et il s'agit de gérer l'effort pour arriver au bout.
Tout a son importance; la durée entre chaque pose, la distance entre chaque pas, la pression sur les bâtons, le rythme de la respiration... Le froid est aussi à gérer, veiller à ce que le thé ne gèle pas dans la pipette, limiter le temps où je retire mes gants, stimuler la circulation dans les pieds en les tapant régulièrement. Tout un ensemble de préoccupations et gestes pour éviter de compromettre l'ascension jusqu'au sommet.
Au fur et à mesure qu'on monte, la fatigue s'accentue avec l'altitude. Nous sommes à 5400m quand nous dépassons la première cordée. Dans l'ascension vers Stella point, il y a une phase où je ne pense qu'au prochain pas, guidé par l'ivresse de l'altitude. Nous gagnons Stella point (5685m) vers 4h20. Le froid a engourdi mes pieds, et je demande à Stanley d'écourter la pause pour se lancer vers Uhuru Peak qui trone 200m plus haut.
A 5h nous atteignons le sommet et je touche le panneau avec une immense satisfaction. Nous sommes la première cordée à arriver. On se met à chanter la chanson du Kilimanjaro dans la nuit noire et le froid. C'est super ! On ne s'éternise pas en haut, pour éviter de trop se refroidir (je ne sens plus mon pied droit)... On croise les autres groupes dans leur dernier effort et le soleil se lève pendant que nous descendons. L'apparition des premiers rayons lumineux nous fait découvrir un spectacle magnifique. En contrebas, un paysage immense reprends vie dans des couleurs pastels. On redescend, je regarde le soleil arriver et les couleurs évoluer avec le sentiment d'avoir accompli quelquechose.
Après un petit déjeuner (un vrai ce coup-ci) à Barrafu on se dirige vers Mweka pour y passer la dernière nuit.